Je suis ici, je viens d’ailleurs

_LMN3045 copie

Il s’en est fallu de rien pour que ce projet ne se concrétise pas, un délai, une ligne raturée sur le Pass culture. Une immense déception. Et puis, petit miracle, à la force de la convictions de Barbara, enseignante au collège Paul Eluard de Bollène, et de Caroline qui monte les projets enfance du Centre Dramatique des Villages du Haut-Vaucluse, le projet a pu voir le jour et cette dizaine d’enfants, primos arrivants, un pied ici, l’autre dans un ailleurs habillé de nostalgie, ont pu raconter en image un bout de leur vie. J’ai été embarquée dans cette belle aventure… spectatrice d’une renaissance.

Projet tripartite entre l’image, l’écriture et les arts plastiques, sous forme d’ateliers, de rencontres, de temps de prises de vue, il s’est concrétisé ce soir avec, avouons le, quelques larmes. Les miennes sont nées de celles d’un papa juste devant qui a écrasé les siennes si discrètement que je pense être la seule à les avoir vues. Son émotion face aux mots de son bonhomme qui ne parlait pas le Français il y a toute juste deux mois était bouleversante. Les téléphones se sont tendus pour filmer ces poèmes si intimes  en français lus devant les familles gonflées de fierté. Barbara restera à jamais pour eux celle qui leur a donné les clefs d’un monde, celle qui chaque année renouvelle ce petit miracle.

La capacité d’adaptation de ces enfants est fascinante. Ils n’ont pas plus de 15 ans et ont vécu mille fois plus que nous. Ils apprennent à la vitesse de la lumière, avide de communiquer de se faire comprendre mais aussi forts de ces mécanismes d’acquisitions de plusieurs langues basculant de l’arabe entre copain à l’italien en famille, le français à l’école, l’anglais pour faire comme tout le monde avec une aisance d’anguille.

C’était un beau projet. Y en aura-t-il d’autres ?

 

LEURS YEUX TOUJOURS PURS

Jours de lenteur, jours de pluie,
Jours de miroirs brisés et d’aiguilles perdues,
Jours de paupières closes à l’horizon des mers,
D’heures toutes semblables, jours de captivité.

Mon esprit qui brillait encore sur les feuilles
Et les fleurs, mon esprit est nu comme l’amour,
L’aurore qu’il oublie lui fait baisser la tête
Et contempler son corps obéissant et vain.

Pourtant, j’ai vu les plus beaux yeux du monde,
Dieux d’argent qui tenaient des saphirs dans leurs mains,
De véritables dieux, des oiseaux dans la terre
Et dans l’eau, je les ai vus.

Leurs ailes sont les miennes, rien n’existe
Que leur vol qui secoue ma misère,
Leur vol d’étoile et de lumière
Leur vol de terre, leur vol de pierre
Sur les flots de leurs ailes,

Ma pensée soutenue par la vie et la mort.

P.Eluard